Ce week-end, j'ai participé à un "tour" organisé par la fac pour aller voir les zones dévastées par le tsunami du 11 mars et faire du bénévolat. Nous étions 27 en tout : 13 étudiants japonais (quasiment tous originaires du Tôhoku), 5 étudiants en échange (USA, Mexique, Slovaquie), 1 étudiante de master (moi), 1 professeur (de Hong Kong), 5 membres de l'administration (quatre d'Akita + un Américain), 1 accompagnateur et 1 chauffeur.
Nous sommes partis samedi à 8 heures du matin en direction de Rikuzentakata, dans la préfecture d'Iwate, à l'est d'Akita. Cela prend environ 3h30 pour faire le voyage. Rikuzentakata est la ville qui a le plus souffert du tsunami dans la préfecture d'Iwate : en effet, le centre ville a été complètement détruit, y compris la mairie, ce qui a énormément retardé la prise de mesures pour nettoyer la ville. Sur 23 000 habitants avant le tsunami, environ 1000 ont perdu la vie et 300 ont disparu. Par ailleurs, le spot touristique qui faisait la célébrité de la ville, une forêt de 70 000 pins situé en bord d'une longue plage de sable blanc, a été entièrement englouti, à l'exception d'un seul pin qui est devenu le symbole de la ville. Le quartier historique, avec ses vieux manoirs et sa résidence de samurai classée "trésor préfectoral", a également été emporté par les vagues.
Ce qu'il reste du centre-ville
La voie ferrée, dans le centre ville
La caserne de pompiers
Le seul pin qui reste de la forêt
Nous sommes ensuite allés à Kesennuma, dans la zone de Shishiori, qui a souffert non seulement du tsunami mais aussi des incendies qui ont suivi. J'étais déjà allée à Kesennuma en mai pour faire du volontariat, et j'ai été heureuse de voir que la ville avait été bien nettoyée depuis la dernière fois. Quand j'étais venue, il y avait des montagnes de débris partout, si bien qu'il était impossible de marcher en dehors de la route, et je ne voyais vraiment pas par où ils allaient commencer. Mais cette fois, bien que la zone soit encore loin d'être débarrassée de tous les débris, il y a une nette amélioration. Même chose pour Rikuzentakata, d'ailleurs ; quand on voit les photos prises juste après le tsunami, toute la ville était sans dessous ; mais maintenant, le plus gros des débris a été dégagé, ou du moins empilé en tas, donc il est possible de marcher normalement dans la plupart des zones. J'ai dit plus haut que le seul pin a avoir résisté au tsunami est devenu le symbole de Rikuzentakata ; à Kesennuma, c'est un cargo échoué en pleine ville qui est devenu le symbole de la ville. Cependant, il semblerait que les habitants soient divisés sur le traitement à réserver à ce bateau : certains voudraient s'en débarrasser, car ils ne veulent plus penser à ce qui s'est passé le 11 mars, et d'autres au contraire souhaiteraient le garder en tant que mémorial. Avant de quitter la ville, nous avons visité le marché au poisson, dans la zone qui a le plus vite retrouvé son état initial. Enfin, nous sommes allés dormir dans un onsen assez éloignée à l'intérieur des terres.
Le bateau en plein Kesennuma
L'une des quelques maisons encore debout dans cette zone
Aujourd'hui, lever à 6h, puis deux heures de route direction le centre de bénévolat de Rikuzentakata, qui coordine les actions des bénévoles en fonction des demandes de la population. Là, on nous a prêté de l'équipement et donner des indications sur l'endroit où nous devions nous rendre pour la mission du jour. Nous avons repris le bus pour nous diriger vers l'ancien quartier historique de la ville, pendant qu'un survivant nous racontait son expérience. Il a réussi à s'enfuir en voiture, mais après la première vague, de nombreuses personnes ont cru que le pire étaient passé et sont retournées chez elles chercher leurs affaires, et ont ainsi péri emportées par la deuxième vague. D'après ce qu'il nous a raconté, on estime à 20 ans le temps qu'il faudrait pour que la ville retrouve son état initial, mais la mairie veut y arriver en huit ans, pour éviter que tous les jeunes ne désertent la ville. Ils n'ont pas l'intention de reconstruire là où la ville a été rasée : à la place, ils sont en train de couper des arbres dans les collines pour faire de la place pour de nouvelles habitations. Concernant l'ancien centre-ville, la mairie envisage peut-être d'en faire un parc/mémorial, où d' installer des commerces, mais en tous cas plus de zones résidentielles.
Une fois arrivés à ce qui était le quartier historique, un certain M. Konno, qui a perdu sa maison (un manoir assez ancien) lors du tsunami, nous a demandé de nous séparer en deux groupes : l'un devrait trier les débris de la résidence de samurai qui était sur le point d'être classée au patrimoine national, l'autre devrait trier les débris de la maison de M. Konno. Pour la résidence de samurai, nous devions faire particulièrement attention à bien ramasser toutes les tuiles, les céramiques, etc., car la préfecture a l'intention de reconstruire la résidence et de restaurer tous les objets de valeur qui s'y trouvaient. Je me suis occupée de ce travail ; il y avait des céramiques magnifiques, qui malheureusement avaient été brisées en mille morceaux. Peut-être que certaines d'entre elles peuvent encore être restaurées, cependant ; en revanche pour le bâtiment en tant que tel, je me demande comment ils comptent faire. Il ne reste plus rien, même pas de fondations ; les tuiles sont en mille morceaux, et les poutres, les murs n'ont pas vraiment l'air récupérable. M. Konno nous a ensuite emmenés au sanctuaire sur la colline où ses voisins et lui se sont échappés le jour du tsunami. Ils nous a ensuite montré des photos de Rikuzentakata avant et pendant le tsunami, en nous expliquant rapidement comment les gens dande son quartier étaient venus se réfugier sur cette colline, depuis laquelle ils ont vu leurs maisons se faire détruire. Il nous a montré jusqu'où était montée la vague, une dizaine de mètres environ au dessus du sol. C'est dur d'imaginer ce que ca peut représenter ; d'après ce qu'il nous a raconté, il y a encore énormément de coquilles d'huîtres entassées sur les toits des quelques bâtiments restants... Il y a un blog en anglais où l'on peut voir des photos de M. Konno et un récit de son expérience le jour du tsunami, je vous conseille vivement d'y jeter un oeil car c'est très intéressant comme témoignage (et ça change de tous les récits d'expats qu'on nous a ressassés à la télé française : "oh la la ma maison à Tokyo a tremblé !"...): http://saverikuzentakata-en.blogspot.com/.
L'endroit où nous avons trié des débris
Vue sur l'ancien quartier historique
Enfin, nous sommes allés à Ôfunato, une ville côtière à deux pas de Rikuzentakata, mais qui a beaucoup moins souffert du tsunami. Le moindre nombre de dommages s'explique en raison d'une topographie plus propice, et au fait qu'une bonne partie de la ville est située en hauteur. La partie près du port et de la rivière a été bien endommagée cependant, mais comme la mairie était intacte, elle a pu prendre rapidement des mesures pour restaurer la ville à son état antérieur. C'est encore loin d'être entièrement fait, mais contrairement à Rikuzentakata on voit bien qu'une majeure partie de la ville continue à vivre normalement. Après avoir marché un peu dans la ville, nous sommes rentrés à AIU.
Des maisons près de la côte, mais intactes
Le quartier qui a le plus souffert du tsunami
Une voiture broyée par la vague, non loin des débris
J'ai trouvé un site japonais avec des photos des endroits dévastés avant et après le tsunami. Je vous mets le lien, vous verrez c'est impressionnant : http://www.syasinkikaku.co.jp/enganjisin/index.html. Les villes que j'ai visitées sont Kesennuma (photos n°13, 14 et 15), Rikuzentakata (photo n°16, où l'on voit bien que la forêt et la plage ont été englouties), et Ôfunato (photo n°17).
Vous vous demandez peut-être ce que sont devenus les survivants qui ont perdu leur maison. La plupart ont été relogés dans des espèces de maisons en préfabriqué, ou alors carrément dans des hôtels ou des maisons dans d'autres préfectures du Japon. Il y a pas mal de reportages sur leur situation à la télé, mais apparemment ils sont encore loins d'être sortis d'affaire. J'imagine que ça va prendre un temps fou : pas moins de 65 753 personnes ont été évacuées à ce jour. A ce propos, je me demande comment ça s'est passé en Indonésie, au Sri Lanka, en Inde et en Thaïlande, s'ils se sont remis du tsunami en 2004... On n'en parle plus du tout, mais déjà qu'un pays riche comme le Japon va galérer pendant des années pour restaurer les zones détruites et redonner une vie normale à la population, j'imagine mal ce que ça a dû être pour la population dans des pays moins développés.